Medical Research Africa

THE PARAGONIMIASIS

ÉTUDE ÉPIDÉMIBLOGIQUE
D’UNE DISTOMATOSE À PARAGONIMUS‘ SP.
AU SUD-CAMEROUN
Par G. OLLIVIER (l), M. BOUSSINESQ (2), J. L. ALBARET (3), N. CUMBERLIDGE (4),
K. FARHATI (3, J. P. CHIPPAUX (6) & C. BAYSSADE-DUFOUR (3) (7)

Summary: A study was carried out in 1993 in south Cameroon in order to assess the changes in the incidence rate of
human paragonimiasis, and to get information on the transmission pattern of Paragonimus sp. Two human cases have
been recorded, and one dog was found infected in the Ntem Valley. The results suggest that a decrease .of the incidence
rate of paragonimiasis occurred in humans and animals. Paragonimus metacercariae were found in three species of freshwater
crabs: Sudanonautes africanus, S. aubryi et S. granulatus, the latter being a new host. Prevalence of infection
in crabs increased southerly, and signifcant seasonal changes were found. Two cats were infested with metacercariae
from S. africanus, and studies are in progress to identifv the parasite@) at a specific level.
Résumé : Une étude a été menée en I993 au sud-Cameroun en vue d’évaluer I’évolution de l’incidence de la paragonimose
humaine et de préciser les modalités de la transmission de Paragonimus sp. Deux cas humains ont été dt‘pistés et un
chien a kté trouvé infesté dans le bassin du Ntem. L’incidence de l’infestation chez l’homme et les animaux sauvages
semble avoir chuté durant la dernière décennie. Des métacercaires de Paragonimus sp. ont ét& trouvées chez trois espPces
de crabes : Sudanonautes africanus, S. aubryi et S. granulatus, cette derni8re constituant un nouvel hôte. Un gradient
géographique et des variations saisonnières du taux d’infestation des crabes ont été mis en évidence. Des mgtacercaires
provenant de S. africanus ont permis Pinfestation expérimentale de deux chats et l’identification des parasites au niveau
spécifique est en cours.
INTRODUCTION
En Asie, la paragonimose constitue un problème
de santé publique et l’épidémiologie de la maladie
est à l’heure actuelle bien connue. I1 n’en est pas
de même en Afrique, oÙ de nombreuses inconnues
demeurent au niveau tant des espèces de parasites
que des différents hôtes : les premiers hôtes intermédiaires
n’ont pas été identifiés; en revanche, deux
genres de crabes seconds hôtes intermédiaires ont été
signalés : Sudanonautes et Liberonautes.
(1) Institut Pasteur de Madagascar, Antananarivo, Madagascar.
(2) Centre Pasteur du Cameroun, BP 1274, Yaoundé, Cameroun.
(3) Muséum National d’Histoire Naturelle, Biologie Parasitaire, 61, rue
(4) Department of Biology, Northern Michigan University, MI 49855-
(5) Institut Sane et Développement, Parasitologie experimentale, 15-21,
(6) CERMES, BP 10887, Niamey, Niger.
(7) Manuscrit no 1656. Parasitologie. Accepte le 6 juillet 1995.
Buffon, Paris.
5341, USA.
rue de l’ÉCole-de-Medecine, Paris.
,
i
La paragonimose humaine a été décrite pour la
première fois en Afrique intertropicale chez un enfant
camerounais (7). Par la suite, le caractère endémique
de la maladie a été mis en évidence à l’ouest du
Cameroun (6, 8, 13, 18, 19, 27), au centre et au sud
du même pays (13), au sud-est du Nigeria (1 1, 20),
en Côte d’Ivoire (9) et au Liberia (15). Une épidémie
de paragonimose pulmonaire est survenue lors de la
guerre civile du Nigeria de 1967 (10). Des cas sporadiques
de paragonimose pulmonaire ont été signalés
également au Zaïre, en Gambie, en Côte d’Ivoire,
en Guinée, au Gabon et en Guinée équatoriale. Enfin,
des cas de tumeurs sous-cutanées rétro-auriculaires
attribués à Poikilorchis, genre proche de Paragonimus,
ont été décrits au Zaïre, au Nigeria, au Burkina
Faso et en Guinée.
L’étude de la morphologie des métacercaires et des
adultes et de la taille des oeufs éliminés par les patients
a révélé que plusieurs espèces de Paragonimus existent
Fonds Documentaire ORSTOM
Cote: ( 3 4~Y0 3 EX: 4
-
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DE PATHOLOGIE EXOTIQUE 165
f ”
r,
Q
en Afrique. deux nouvelles espèces, P. africanus et
P. uterobilateralis, ont été décrites en 1965 (25). Seul
P. uterobilateralis a été observé au Liberia, en
Guinée (17) et au Gabon (24). Les deux espèces existent
au Nigeria et à l’ouest du Cameroun (23). Au
sud-Cameroun, il semble que le parasite en cause soit
P. africanus (13). P. westermani a également été
signalé au Nigeria (12).
A la suite de I’épidémie décrite au Nigeria en 1967,
il a été suggéré que l’incidence de la paragonimose
humaine pouvait être liée à la situation socioéconomique
des pays (20). En Afrique, en effet, la
consommation de crabes d’eau douce est très occasionnelle.
Une dégradation du pouvoir d’achat peut
conduire les populations à augmenter leur consommation
de crabes et donc le risque d’infestation. Les
objectifs de la présente étude, menée de février à septembre
1993, étaient de déterminer si l’évolution de
la situation économique au Cameroun avait des répercussions
sur la prévalence de la paragonimose
humaine et de préciser les données épidémiologiques
dans trois foyers décrits précédemment (13) : ceux de
la Sanaga-Mbam, du Nyong et du Ntem.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Une recherche de cas humains de paragonimose
a été effectuée à partir des registres des principales
structures sanitaires des zones d’étude et par des
consultations organisées dans deux localités. Simultanément,
une recherche des animaux hôtes définitifs
potentiels et des récoltes de crabes ont été effectuées
sur un échantillon de villages.
Zones d’étude (fig. 1)
Dans le bassin de la Sanaga, les registres consultés
sont ceux des hôpitaux de Monatélé et de Saya et
du Service de la Médecine préventive et rurale
(SMPR) de Bafia. L’étude de terrain n’a été réalisée
que dans le seul village d’Ebong (4’20’ Ny 11 ‘23 ’ E),
situé sur un petit affluent de la Sanaga.
Dans le bassin du Nyong, l’étude des registres a
été effectuée à l’hôpital et au laboratoire du SMPR
de Mbalmayo. Quatre villages ont été par ailleurs
examinés : Nkolsoumou (3’19’ Ny 11’24’ E), Nnemeyong(
3’4‘ Ny 11’22‘ E),Obang (3’4‘ Ny 11’14’ E)
et Falassi (3’ 14 ’ Ny 11 ‘29 ‘ E). Ce dernier village
avait déjà été examiné par RIPERT et al. (13).
Dans le bassin de Ntem, les registres de l’hôpital
d’Enongal ont été consultés. Deux villages, déjà examinés
par RIPERT et al. (13)’ ont été sélectionnés pour
l’étude de terrain : Ako’Okas (2’57’ Ny 11’16’ E)
et Bikpwae-Essazoe (2’59‘ Ny 11’17‘ E).
Recherche des cas de paragonimose humaine
Dans les hôpitaux de Monatélé et de Sa’a, nous
avons pu consulter les registres de 1985 à 1993. A
- - -
--
GUINEE
,, . EQUATONALE+ 12. ,
1 b. EQUATORIALE~ 1I2 . Fig. 1. - Zone d’étude (les tr,iangles indiquent les villages
05 des prospections ont été réalisées).
Bafia, Mbalmayo et Enongal, les registres de 1980
à 1993 ont été mis à notre disposition. Le personnel
de ces laboratoires a par ailleurs effectué entre mars
et septembre 1993 une recherche systématique des
oeufs de douves dans les expectorations recueillies en
vue d’une recherche de bacilles tuberculeux.
Des consultations, s’adressant particulièrement aux
personnes présentant une toux chronique, ont été organisées
à Falassi et à Bikpwae-Essazoe. Le choix de ces
villages a été déterminé d’une part par le fait que des
enquêtes y avaient été menées précédemment (1 3) et
d’autre part par les taux d’infestation élevés observés
par nous-mêmes chez les crabes. Les expectorations,
recueillies chez chacun des patients présents à la consultation,
ont été homogénéisées, centrifugées et examinées
le jour même au microscope. Par ailleurs, une
enquête coprologique a été effectuée chez les enfants
de Bikpwae-Essazoe. Les selles recueillies ont été examinées
selon la méthode de Kato.
Recherche des animaux hôtes définitifs potentiels
de Paragonimus sp.
Les chasseurs des villages d’étude ont été invités à
garder à notre disposition les animaux sauvages qu’ils
avaient abattus, notamment les Viverridés, les singes
et les rongeurs, en vue de rechercher des adultes de
Paragonimus. Les poumons des animaux ont été disséqués
aux ciseaux en suivant l’arbre bronchique.
Le recueil et l’examen de selles d’animaux sauvages
et domestiques n’ont été effectués qu’à Bikpwae-
Essazoe. Les selles ont été examinées selon la méthode
de Kato.
.. -..
Récolte et examen de crabes
Une collecte de crabes a été réalisée toutes les deux
semaines entre février et juillet 1993 dans chaque vil?
3
166 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DE PATHOLOGIE EXOTIQUE r
lage. Après identification de l’espèce, faite d’après
les descriptions de CUMBERLE(D3G-3E, les crabes dont
la largeur de la carapace était supérieure à 20 mm
étaient disséqués afin de rechercher les métacercaires.
Une étude préliminaire a été réalisée afin de déterminer
la répartition des métacercaires chez les crabes.
A cette fin, 40 crabes de l’espèce Sudananautes africanus
ont été disséqués, en séparant les muscles thoraciques,
les péréiopodes, les chélipèdes, l’hémolymphe
et les branchies. La plupart des métacercaires
ayant été observées au niveau des muscles thoraciques,
les dissections ultérieures n’ont porté que sur
ces organes. Après dilacération dans une boîte de
Pétri, les muscles ont été examinés à la loupe binoculaire
(x 6).
Analyse des données
La saisie et le traitement des résultats concernant
les crabes ont été effectués à l’aide du logiciel EPIINFO.
Un fichier a été créé rassemblant, pour chaque
crabe, l’espèce, le sexe, le lieu et la date de récolte
et le nombre de métacercaires observées. L’analyse
statistique a été réalisée en utilisant le test non paramétrique
de Kruskall-Wallis.
RÉSUGTATS
Recherche des cas de paragonimose humaine
Dans le bassin de la Sanaga, aucun cas de paragonimose
n’a été enregistré depuis 1985. A Mbalmayo
et Enongal, respectivement 2 et 10 cas ont été diagnostiqués
entre 1980 et février 1993. Entre mars et
septembre 1993, 31 examens d‘expectorations ont été
effectués à Mbalmayo et 55 à Enongal. Ces examens
n’ont pas permis de dépister de cas de paragonimose.
Enfin, 30 personnes se sont présentées aux consultations
de Falassi et de Bikpwae-Essazoe. Aucun oeuf
de douve n’a été trouvé dans leurs expectorations.
Un examen coprologique a été réalisé chez
200 enfants de Bikpwae-Essazoe. Des oeufs de Paragonimus
ont été trouvés chez une fillette de 9 ans
et chez une jeune fille de 15 ans (respectivement 8
et 5 oeufs). Leur taille moyenne était de 89,s sur
57,5 pm chez la première et de 91,7 sur 54,s pm chez
la seconde.
Recherche des animaux hôtes définitifs potentiels
de Paragonimus sp .
Aucun des animaux disséqués dans les bassins du
Nyong (4 Nandinia binotata et 1 Cercopithecus
aethiops) et du Ntem (4 Viverra civetta, 2 Crossarchus
obscurus, 1 Nandinia binotata et 5 Cricetomys emini)
n’hébergeait de douve pulmonaire.
A Bikpwae-Essazoe, ou à proximité, nous avons
recueilli des selles de porcs, 78; de chiens, 4; de chats,
2; et de civettes, 4. Seuls trois oeufs operculés, dont
la taille moyenne était de 94,4 sur 58,7 pm, ont été
observés dans une selle émise par un chien.
Récolte et examen des crabes
Sur les 1 373 crabes récoltés, 1 285 (93,6 070) appartiennent
à l’espèce Sudanonautes africanus. Respectivement,
38 et 50 spécimens de S. granulatus et
S. aubryi constituent le reste des récoltes. S. granulatus
n’a pas été trouvé dans le bassin du Nyong.
894 crabes ont été disséqués (tableau I). Des métacercaires
ont été trouvées chez 105 crabes. Dans le
bassin de la Sanaga, aucun crabe n’était parasité. En
revanche, dans les bassins du Nyong et du Ntem, respectivement
11,l et 16,6 Yo des animaux hébergeaient
des métacercaires. Cette différence est significative
(p < 0,05). Des variations importantes existent dans
chaque bassin. Ainsi, dans celui du Ntem, 17,l 070 des
crabes en provenance de Bikpwae-Essazoe étaient parasités,
tandis qu’aucun de ceux pêchés à Ako’Okas ne
l’était. Dans le bassin du Nyóng, les taux d’infestation
à Nnemeyong-Obang, Falassi et Nkolsoumou étaient
respectivement de 16,2, 8,9 et O 070.
Dans le bassin du Nyong, les taux d’infestations de
S. africanus et S. aubryi ne diffèrent pas significativement.
Dans celui du Ntem, les faibles effectifs de
S. aubryi et S. granulatus ne permettent pas de comparer
les taux d’infestation entre espèces.
Tab. I. - Nombre de crabes diss&qués et taux d’infestation (TO avec des métacercaires de Paragoniniidae
au sud-Cameroun en fonction de I’espke et du bassin.
t u
.r
BULLETIN DE LA SOCIÉT~D E PATHOLOGIE EXOTIQUE 167
i
L’évolution des taux d’infestation selon la saison
n’a été analysée que chez S. afrìcanus à Bikpwae-
Essazoe. Une baisse significative de ces taux est notée
entre février-mars (37,l Yo> et avril-mai (18,9 To),
mais pas entre avril-mai et juin-juillet (13,O Yo).
Parmi les crabes infestés, 82 To présentaient moins
de 5 parasites. Le nombre maximal de métacercaires
observé dans un crabe est 42. Le nombre moyen de
parasites par crabe infesté est de 3,$ dans le bassin
du Nyong et de 3,3 dans celui du Ntem (différence
non significative). Pour S. afrkanus, l’intensité d’infestation
est de 3,5 métacercaires par crabe infesté.
Le nombre maximal de métacercaires observés chez
S. aubryi est de 2. Trois spécimens de S. granulatus
ont été trouvés parasités respectivement par 1, 2 et
9 métacercaires.
La grande majorité des métacercaires ont été trouvées
enkystées. Le kyste, arrondi, est composé de
deux parois séparées par un espace clair. Les mesures
effectuées sur 156 métacercaires trouvées chez S. africanus
à Bikpwae-Essazoe ont montré que le diamètre
moyen des kystes est de 456,6 pm. Une fine enveloppe
blanche et de forme plus ou moins elliptique
entoure habituellement le kyste.
DISCUSSION
Les données des registres des laboratoires confirment
que la paragonimose humaine existe toujours
dans les bassins du Nyong et du Ntem. Cependant,
il semble que l’incidence de l’infestation ait chuté
depuis l’enquête de RIPERT et al. (13). Ces derniers
avaient recensé, sur 1 040 sujets chez qui un examen
d’expectorations avait été réalisé à Enongal,
22 patients émettant des oeufs de Paragonimus sp.
(soit une proportion de plus de 2 To). En revanche,
en 1993, aucun cas n’a été dépisté sur 86 sujets examinés
dans les laboratoires ayant participé à la présente
étude et ce, malgré la sensibilisation des personnels
de ces structures. Par ailleurs, RIPERT et al.
avaient recensé, parmi 157 habitants de Falassi,
45 personnes (28,7 Yo) émettant des oeufs de Paragonimus
sp. dans leurs expectorations ou leurs selles
et à Bikpwae-Essazoe les mêmes auteurs, utilisant un
test sérologique, avaient observé une prévalence de
la paragonimose de 31,2 Yo. Lors de notre étude,
aucun des patients présentant une toux chronique
dans ces mêmes villages n’émettait d’oeufs de douve
dans leurs expectorations et seuls deux enfants de
Bikpwae-Essazoe présentaient dans leurs selles des
oeufs de Paragonimus sp. I1 est également possible
de comparer les résultats de WEReTt a l. (13) et les
nôtres concernant les taux d’infestation chez les animaux
hôtes définitifs. Les premiers auteurs avaient
en effet examiné quatre civettes abattues près
d’Ako’Okas. Trois d’entre elles hébergeaient des
douves adultes au niveau des poumons. Plus de
10 ans après, nous avons disséqué deux mangoustes,
une nandinie et quatre civettes provenant de la même
région. Aucun de ces animaux n’était parasité par
Paragonimus sp. En revanche, nous avons trouvé des
oeufs operculés sur une selle émise par un chien.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer la baisse de
l’incidence de la paragonimose au sud-Cameroun. Le
premier pourrait être une prise de conscience par la
population, consécutive aux enquêtes précédentes, du
risque lié à la consommation de crabes crus ou mal
cuits. Une deuxième explication pourrait être la réduction
du réservoir de parasite. Compte tenu de la faible
prévalence de l’infestation chez l’homme, il est peu
probable que ce dernier soit l’hôte définitif permettant
le maintien du cycle parasitaire. En revanche,
les Viverridés pourraient jouer ce rôle. La raréfaction
de ces animaux, du fait de la pression des chasseurs,
a pu avoir des conséquences sur l’épidémiologie
de la paragonimose.
Le fait que des oeufs de douve aient été trouvés
dans les selles d’un chien indique que cet animal est
un h6te définitif au sud-Cameroun, tout comme dans
l’ouest du pays (26) et au Liberia (16). Par ailleurs,
nous avons pu examiner un nombre assez important
de selles émises par des porcs à Bikpwae-Essazoe.
I1 nous semblait intéressant d’évaluer le rôle épidémiologique
éventuel de ces animaux, nombreux dans
les villages étudiés, car ils sont en Asie hôtes définitifs
d’un grand nombre de Paragonimus spp. Nos
résultats semblent indiquer qu’il n’en est pas de même
au sud-Cameroun.
Le rôle de S. africanus et S. aubryi dans l’épidémiologie
de la paragonimose a été mis en évidence au
Cameroun, au Nigeria et au Gabon (8, 22, 23, 26).
La présente Ctude montre pour la première fois
l’infestation de S. granulatus. Cependant, cette espèce
semble relativement rare au sud-Cameroun et il est
probable qu’elle n’a qu’un rôle secondaire dans la
transmission du parasite dans cette région.
Les taux d’infestation des crabes relevés lors de
la présente étude sont faibles par rapport à ceux
décrits précédemment à l’ouest du Cameroun et à
l’est du Nigeria. VOELKERe t SACHSa vaient montré
que dans certains cours d’eau, 100 To des crabes
étaient parasités, avec en moyenne 100 métacercaires
par animaL(23). Dans la même région, Mo ~ o uSO MO
et al. (8) ont observé un taux d’infestation de 45 Yo,
avec en moyenne 17 parasites par crabe infesté. Nos
résultats se rapprochent de ceux d’UDONSI (20) qui
relevait au Nigeria dans la vallée de 1’Igwun des taux
d’infestation de 3 à 13 Yo. Un des principaux résultats
de notre étude est la mise en évidence d’un gradient
nord-sud du taux d’infestation des crabes :
aucun animal n’a été trouvé parasité dans le bassin
de la Sanaga, tandis que les taux observés dans les
bassins du Nyong et du Ntem étaient respectivement
de 11,l et 16,6 Yo. I1 est possible que l’intensité de la
transmission du parasite soit influencée par le type de
végétation et la densité humaine. La forêt est en effet
très dégradée dans le bassin de la Sanaga alors que
-
c
L
168 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DE PATHOLOGIE EXOTIQUE
t
I’anthropisation du milieu diminue au fur et à mesure
que l’on se rapproche du Ntem. Une importante densité
humaine (et donc de chasseurs), accompagnée d’une
déforestation défavorable aux hôtes définitifs animaux,
pourrait avoir des répercussions sur l’épidémiologie
de la paragonimose. Cette hypothèse a été développée
à propos d’un foyer de paragonimose en Équateur (21).
Les résultats obtenus au sud-Cameroun confirment
la tendance àla baisse du taux d’infestation des crabes
en saison des pluies décrite par UDONS(I2 0). I1 est probable,
comme le suggère cet auteur, qu’au cours de
la saison sèche les populations d’hôtes intermédiaires
et définitifs se concentrent autour de quelques points
d’eau et que ce phénomène entraîne une augmentation
de la transmission du parasite.
L’identification des parasites recueillis lors de la présente
étude a été tentée à partir du matériel récolté dans
les villages (oeufs et métacercaires) et àpartir des adultes
obtenus par infestations expérimentales. Les oeufs
observés dans les selles de deux enfants de Bikpwae-
Essazoe mesuraient en moyenne 89,8 sur 57,5 pm chez
le premier, et 91’7 sur 54,8 pm chez le second. Par ailleurs,
un chien du même village émettait des oeufs de
94’4 sur 58’7 ym. Ces oeufs ont une longueur proche
de celle des oeufs de P. africanus, mais leur
largeur est nettement supérieure. I1 faut néanmoins rappeler
que les oeufs provenant d’une civette de la même
région et attribués précédemment à P. africanus (13)
mesuraient en moyenne 88,6 sur 50,3 pm (40 oeufs
mesurés). L’infestation de deux chats par des métacercaíres
provenant de S. africanus récoltés à Bikpwae-
Essazoe a permis d’obtenir des parasites adultes ovigères.
Les résultats d’une analyse préliminaire de la taille
des oeufs obtenus indiquent que les parasites présents
au sud-Cameroun pourraient correspondre à une espèce
non encore décrite : Paragonimus sp. (1). L’examen
des adultes et des métacercaires montre qu’au moins
deux Paragonimidae parasitent les crabes de Bikpwae-
Essazoe, l’un appartenant au genre Paragonimus Braun,
1899, et l’autre au genre Euparagonimus Chen,
1963 (2). I1 existe une certaine correspondance géographique
entre les villages du sud-Cameroun où des cas
humains sont décrits depuis une quinzaine d’années et
les zones où des taux d’infestation notables sont relevés
chez les crabes. Ceci doit attirer l’attention sur les risques
d’infestation pour l’homme. Une sensibilisation
des populations devrait être effectuée. Le personnel des
laboratoires effectuant des examens d’expectorations
en vue de rechercher des bacilles tuberculeux doit aussi
être prévenu de la nécessité de faire éventuellement le
diagnostic différentiel de paragonimose pulmonaire.
Ceci est d’autant plus important que celle-ci peut être
traitée efficacement (8, 14, 18).
BIBLIOGRAPHIE
1. BAYSSADE-DUFO(UCR.) , CABARET(J J, TAMI (G.) &CHIPPAUX
(J. P.). - Classification problems in Parago-
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
13.
14.
15.
nimus spp., Trematoda. Specific identification by multivariate
analysis of the eggs. Proceedings of the 8th
International Congress of Parasitology, October 10-14,
1994, Izmir, Turquie, p. 100.
BAYSSADE-DUFOU(RC .), CHERMETT(ER .), ALBARET
(J. L,), VUONG(N . P.). FARHAT(KI .), OLLIVIER(G .),
BOUSSINES(MQ .) & CHIPPAUX(J . P.). - Les Paragonimidae
du sud-Cameroun, essai d’identification. Réunion
de Ia SociétéFrançaise de Parasitologie, 23-24 mai 1995,
Angers, France, p, 17.
CUMBERLID(GNE). - Redescription of Sudanonautes granulatus
(Bah, 1929) (Potamoidea: Potamonautidae)
from West Africa. J. Crustacean Biol., 1993,13,805-816.
CUMBERLIDGE(N .). -Redescription of the African freshwater
crab Sudanonautes africanus (A. Milne-Edwards,
1869) (Brachyura: Potamoidea: Potamonautidae) from
West Africa. J. Crustacean Biol., 1995 (sous presse).
CUMBERLIDG(EN .). - Identification of Sudanonautes
aubryi (H. Milne-Edwards, 1853) (Brachyura: Potamoidea:
Potamonautidae) from West and Central Africa.
Z. Angew. Zool., 1995 (sous presse).
KUM( P: N.) & NCHINDA(T . C.). - Pulmonary paragonimiasis
in Cameroon. Trans. Roy. Soc. Trop. Med.
L ” r (C.). -A case of paragonimiasis. West Afr. Med.
J. (ancienne série), 1932, 5, 51-52.
Mo ~ o SuO MO(R .), ENYONG(P .), KOUAMOU(OJ. ),D INGA
(J. S.), COUPRIE(B .) & RPERT (C.). - Étude de la paragonimose
dans cinq villages du département de la Mémé
(sud-ouest Cameroun). Résultats du traitement par lepraziquantel.
Rev. Sci. Tech. (Yaoundé), 1983,6, 125-129.
Novus(J. P.), DOUCET(J .),D UNAN(J .)& ASSALE-N’DRI
(G.). - Les paragonimoses en Afrique noire. A propos
d’un foyer récent de Côte d’Ivoire. Bull, Soc. Path. Ex.,
NWOKOL(OC .). - Outbreak of paragonimiasis in Eastern
Nigeria. Lancet, <1972, 1, 32-33.
NWOKOLO(C .). - Endemic paragonimiasis in Africa.
RANGDAENG(S .),A LPERT (L. C.), KHIYAMI (A.), COTTINGFIAM
(K.) & RAMZY (I.). - Pulmonary paragonimiasis.
Report of a case with diagnosis by fine needle
aspiration cytology. Acta Cytol., 1992, 36, 31-36.
RPERT (C.), CARRIE (J.),A MBROISE-THOM(APS.) , BAECEER
(R.),K UM (N. P.) & SAME-EKOBO(A .).- Étude
épidémiologique et clinique de la paragonimose au Cameroun.
Résultats du traitement par le Niclofolan. Bull.
Soc. Path. Ex., 1981, 74, 319-331.
RIPERT( C.), COUPRIE( B.), Mo ~ o u(R .), GAILLARD(F .),
APPRIOU( M.) & TRIBOULEY-DUR(EJ.T) .- Therapeutic
effect of triclabendazole in patients with paragonimiasis
in Cameroon: a pilot study. Trans. Roy. Soc. Trop. Med.
Hyg., 1992, 86, 417.
SACHS( R.), ALBIEZ (E. J.) & VOELKER(J .).- Prevalence
of Paragonimus uterobilateralis infection in children
in a Liberian village. Trans. Roy. Soc. Trop. Med.
Hyg., 1982, 76, 768-772.
1980, 73, 155-163.
Bull. OMS, 1974, 50, 569-571.
HEC., 1986, SO. 800-801.
16. SÁ& (R.) & C ~ E R L I D G(NE.). - The dog as natural
reservoir host for Paragonimus uterobilateralis in Liberia,
West Africa. Ann. Trop. Med. Parasit., 1990, 84,
101-102.
17. SACHS( R.) & VOELKER( J.).- Human paragonimiasis
caused by Paragonimus uterobilateralis in Liberia and
Guinea, West Africa. Tropenmed. Parasit., 1982, 33,
18. SAM-ABBEN(XA .). - Paragonimose pulmonaire endémique
au Lower Mundani (arrondissement de Fontem
au sud-ouest Cameroun). Résultats du traitement par le
praziquantel. Bull. Soc. Path. Ex., 1985, 78, 334-341.
19. SIROL (J.),K ERFELEC( J.)& PAPINUTT(JO. P .). - La
paragonimose pulmonaire en Afrique. A propos de
15-16.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DE PATHOLOGIE EXOTIQUE i. 169
26 pbservations colligées au Cameroun occidental.
I. Enoncé des faits parasitologiques anatomopathologiques,
épidémiologiques et cliniques. Bull. Soc. Path.
20. UDONS(I J. K.). - Endemic Paragonimus infection in
Upper Igwun Basin, Nigeria: a preliminary report on
a renewed outbreak. Ann. Trop. Med. Parasit., 1987,
21. VEIRA (J. C.), BLANICESPOO(HR. D.), COOPER(P . J.)
& GUDERIAN(R . H.). - Paragonimiasis in Ecuador:
prevalence and geographical distribution of parasitation
of second intermediate hosts with Paragonimus
mexicanus in Esmeraldas Province. Trop. Med. Parasitol.,
1992, 43, 249-252.
22. VOELKER(J .)& NWOKOL(OC .). - Human paragonimiasis
in Eastern Nigeria caused by Paragonimus uterobilateralis.
Tropenmed. Parasit. .., 1973, 24, 323-328.
23. VOELKER(J .) & SACH(SR .). - Uber die Verbreitung
EX., 1967, 60, 533-543.
81, 57-62.
von Lungenegeln (Paragonimus africanus und P. uterobilateralis)
in West-Kamerun und Ost-Nigeria auf Grund
von Untersuchungen an Siißwasserkrabben auf Befall
mit Metacercarien. Tropenmed. Parasit., 1977, 28,
24. VOELKE(RJ .)& SACHS(R .). - Morphology of the lung
fluke Paragonimus uterobilateralis occurring in Gabon,
West Africa. Trop. Med. Parasit., 1985, 36, 210-212.
25. VOELKE(RJ.) 8c VOGEL(H .). -Zwei neue Paragonimus-
Arten aus West Afrika: Paragonimus africanus und Paragonimus
uterobilateralis (Troglotrematidae; Trematoda).
Z. Tropenmed. Parasit., 1965, 16, 125-148.
26. VOGEL(H .) & CREWE( W.). - Beobachtungen über die
Lungenegel-Infektion in Kamerun (Westafrika). Tropenmed.
Parasit., 1965, 16, 109-125.
27. ZARHA(A .). - Paragonimiasis in the Southern Cameroon:
a preliminary report. West. Afr. Med. J. (nouvelle
série), 1952, 1, 75-82.
120-133.
Commentaire en séance : 14 juin 1995
INTERVENTDIEO CNh . BAYSSADE-DUFOUR
A partir des métacercaires provenant de crabes Sudanonautes
africanus du foyer du Ntem (sud-Cameroun), deux
jeunes carnivores ont été contaminés expérimentalement en
France. Des Paragonimidae adultes ovigères ont été obtenus.
La morphologie de ces vers et les dimensions respectives
de leurs oeufs ont mis en évidence l’existence de trois
morphes, deux correspondants B Paragonimus spp. et un,
à un genre proche. I1 y aurait donc trois espèces différentes
de Paragonimidae dans cette région et le foyer étudié
serait actif, même si les hôtes définitifs naturels semblent
différents de ceux signalés par BAECHBR en 1979 (cf cidessous)
et RIPERT et al., en 1981 (réf. 13) et n’ont pas
été mis en évidence, lors de l’enquête de 1993.
Un article est actuellement en préparation sur l’identification
de ces Paragonimidae; une note préliminaire a été
présentée récemment à ce sujet, au Congrès SFP d’Angers
(réf. 2).
BAECHER(R .). - La paragonimose pulmonaire au Cameroun.
Thbse Méd. Fac. Méd. Strasbourg, 104 p.
B U L L E T I N
DE LA
§ O C I É T É
DE
PATHOLOGIE
EXOTIQUE
FONDÉE EN I908 PAR ALPHONSE LAVERAN
PIUXNOBEL 1907
1995


18/03/2012
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 10 autres membres