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LES INTOXICATIONS

LES INTOXICATIONS : une réalité quotidienne des services d’urgences
MEDI 2101
Professeur Frédéric Thys
Service des Urgences
Cliniques Universitaires Saint-Luc
I. Introduction
II. Les grandes étapes de la prise en charge.
III. Quelques intoxications à ne pas méconnaître
IV. Conclusions
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I. Introduction :
Dans les pays industrialisés, les intoxications représentent une des
premières causes d’hospitalisation des personnes de moins de 30 ans.
Toutefois , il n’est pas toujours aisé d’identifier sur base des symptômes un
patient victime d’une intoxication. En effet, le seul élément commun à toutes
les intoxications est le fait qu’il y a pénétration dans l’organisme d’une
substance ( quelque soit le mode de pénétration !) capable de provoquer des
effets délétères. La multiplicité des substances incriminées, le contexte
propre au patient, la présentation clinique sont tellement variables que le
médecin peut tarder à poser ce diagnostic. Face à ces pièges potentiels, il
est capital d’acquérir les quelques bases nécessaires pour minimiser ce
risque.
POINTS-CLEFS :
Intoxication = une des premières causes d’hospitalisation
La multiplicité des tableaux cliniques rend l’identification difficile
II. Les grandes étapes de la prise en charge
La prise en charge d’un patient présentant une intoxication aiguë repose sur
quatre étapes. Dans la pratique quotidienne, ces étapes sont souvent
réalisées de manière conjointe.
Ainsi, il est important :
- De poser le diagnostic en fonction des différents éléments qui sont à
notre disposition. On s’intéressera aux circonstances de la découverte
et/ ou d’exposition au toxique ; aux symptômes et à leur mode
d’apparition, leur intensité respective . On précisera l’heure de la prise
par rapport à l’heure de prise en charge. Enfin, on établira le
diagnostic en fonction des résultats des examens complémentaires et
de l’analyse toxicologique.
- D’évaluer la gravité de l’intoxication en fonction des symptômes, du
type de toxique, de la quantité absorbée ou de la durée d’exposition. Il
est important aussi d’évaluer le terrain sur lequel vient se greffer
cette intoxication ( personnes âgées, enfant, patient cardiaque,
insuffisant rénal, etc…). La concentration plasmatique permettra dans
certains cas de mieux préciser la gravité et le pronostic d’une
intoxication.
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- D’identifier s’il faut appliquer un traitement spécifique ( antidote,
épuration, évacuation du toxique) en plus du traitement spécifique.
- De savoir appliquer des mesures préventives. Ainsi, il est capital
d’adapter cette démarche à la situation ayant amené à l’intoxication. Si
celle-ci est accidentelle, on mettra en oeuvre les mesures nécessaires
pour éviter ce type d’accidents ( armoire à médicaments, prévention
sur le lieu de travail, éducation, etc…). Si le patient a pris des
substances volontairement, il est primordial de faire suivre la prise en
charge somatique d’ une prise en charge psychosociale systématique
avant la décharge du patient.
POINTS-CLEFS :
Les 4 étapes de la prise en charge d’une intoxication :
- Diagnostic
- Gravité ?
- Traitement spécifique ?
- Mesures préventives ?
a) Identifier et poser le diagnostic
La clé de l'identification repose le plus souvent sur l'anamnèse ( cfr. règle
des 3 A : Anamnèse, anamnèse, anamnèse ( R. Askenasi)).
Celle-ci cherchera à identifier la nature du toxique . La plupart du temps, le
patient est incapable de donner la réponse, il sera primordial alors
d'interroger les impliqués ( famille, pompiers, ambulanciers, témoins, etc…).
On s'appliquera à connaître les paramètres suivants : la quantité ingérée, le
délai entre l'ingestion et la prise en charge médicale, les circonstances ainsi
que les antécédents du patient.
Dans la pratique clinique, les tentatives de suicides sont les circonstances les
plus souvent rencontrées. Mais l'intoxication peut survenir dans un contexte
accidentel ( domicile, lieu de travail), dans un contexte de toxicomanie. On
n'oubliera pas les erreurs thérapeutiques ainsi que les intoxications d'origine
criminelle.
Il faut savoir que l'identification d'une intoxication n'est pas toujours simple
car celle-ci entraîne souvent une atteinte multi-systémique. Les troubles
neurologiques centraux et les atteintes du système nerveux autonome sont
les atteintes les plus fréquentes. Les troubles respiratoires et cardiocirculatoires
sont également sont également souvent présents. Même si
ceux-ci sont plus inconstants, il faut veiller à dépister des troubles digestifs,
rénaux, les troubles de la thermorégulation et cutanéo-muqueux dans ce
contexte toxique.
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POINTS-CLEFS :
Règle des 3 A ( ANAMNESE !!!)
Identifier, quantifier, délai, circonstances, antécédents.
Intoxication = atteinte multi-systémique.
b) Évaluer la gravité
i. Paramètres vitaux
Comme dans toute situation d'urgence, il est capital d'évaluer la gravité de la
situation du patient.
La première étape est systématique et consiste à prendre les paramètres
vitaux "élargis" ( tension artérielle, rythmes cardiaque et respiratoire,
température, saturation en oxygène, glycémie, évaluation de l'état de
conscience ).
L'évaluation neurologique aura deux missions : la première se focalisera sur
les éléments permettant d'écarter une atteinte de type organique ( réflexes
du tronc , recherche de signes de latéralisation), la seconde s'attachera à
évaluer l'état du conscience du patient. On utilise habituellement le Glasgow
Coma Scale qui bien que détourné de son indication première ( traumatisme
crânien) permet d'évaluer de manière simple et répétitive l'état de
conscience du patient. L'échelle d'Édimbourg est également utile dans ce
contexte .
Gradation de la conscience (échelle d’Edimbourg)
Grade Description
0 état normal
1 somnolent, répond aux ordres
2 réponse à la stimulation douloureuse légère
3 réponse à la stimulation douloureuse importante
4 pas de réponse à la stimulation
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Echelle de Glasgow :
Ouverture des yeux Score
Spontanée 4
A la demande 3
A la douleur 2
Jamais 1
Réponse verbale
Orientée, adaptée 5
Désorientée, confuse 4
Conversation impossible, mots 3
Mots incompréhensibles, sons 2
Aucune 1
Réponse motrice
Obéit aux ordres 6
Mouvement de défense adapté 5
Mouvement de défense inadapté, évitement 4
Mouvement de décortication 3
Mouvement de décérébration 2
Aucune 1
Le mode de présentation du coma ( calme versus agité ) et l'examen des
pupilles permettra dans certains cas d'orienter le clinicien sur la nature du
toxique ingéré. ( cfr tableaux ci-dessous, source Pr Hantson , UCL)
Coma calme Coma agité
benzodiazépines alcool
barbiturique antidépresseurs tricycliques
carbamates monoxyde de carbone
opiacés hypoglycémie
phénothiazines sédatives Ectasy, cocaine
Anti-histaminiques
Anti-cholinergiques
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Myosis serré Mydriase peu réactive
Opiacés Tricycliques
Phénothiazines sédatives Atropiniques
Lévomépromazine sympathicomimétiques
Anticholinestérasiques anti-histaminiques
Insecticides organophosphorés Méthanol
Cocaine
Cannabis
ii. Examen orienté et recherche des grands syndromes
Les intoxications entraînent fréquemment des atteintes du système nerveux
autonome et déterminent plusieurs syndromes selon le mode et le niveau
d'action, la stimulation ou l'inhibition de différents neuromédiateurs.
En pratique clinique, il convient de retenir les syndromes suivants :
- Syndrome narcotique :
Les substances incriminées sont la morphine et ses dérivés, l'héroïne,
méthadone. Ce syndrôme est dû à un effet direct sur les récepteurs
opioïdes.
Il consiste en des troubles de la conscience pouvant aller jusqu'au coma. Le
patient présente un myosis serré. Les opiacés entraînent une dépression
respiratoire sévère. Le risque principal est l'arrêt cardiaque dans ce
contexte de dépression respiratoire.
Il existe dans ce contexte un antidote : la naloxone ( Narcan ®). Cet
antidote, un antagoniste des récepteurs mu, kappa et sigma , permet de
rendre réversible la situation clinique engendrée par ces intoxications. Il est
important de savoir que cet antidote a une durée d'action brève qui est plus
courte que la durée d'action du toxique ( CAVE : surveillance !).
- Syndrome anticholinergique
Ce syndrome est aussi appelé syndrome atropinique. Celui-ci résulte de
l'action d'une substance type atropine qui inhibe les effets de la stimulation
de la fibre post-ganglionnaire du parasympathique et possède, à doses plus
élevées, une action excitatrice centrale. On peut résumer l'action de cette
substance de la façon suivante : opposition aux effets bradycardisants de
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l'acétylcholine, action antispasmodique au niveau des fibres musculaires
lisses du tube digestif et des voies biliaires et urinaires, ralentissemment de
la vidange gastrique et diminution des sécrétions gastriques, salivaires et
lacrymales, sudorales.
Ce tableau est observé principalement dans les intoxications avec les
antidépresseurs tricycliques.
Le patient présentera les symptômes suivants :
· Bouche sèche.
· Constipation et abolition des bruits intestinaux.
· Mydriase, troubles de l'accommodation, élévation de la pression intra-oculaire,
diminution de la sécrétion lacrymale.
· Tachycardie.
· Risque de rétention urinaire, et de glaucome aigu en cas de glaucome à angle fermé.
Si les doses sont plus élevées :
· Excitation
· Confusion mentale
· Hallucination
· Hyperthermie
· Coma et dépression respiratoire
- Syndrome cholinergique
Ce syndrome est un patchwork de syndrôme muscarinique, nicotinique et
central. On observe ce syndrome dans les intoxications à certains
champignons mais aussi avec des insecticides de type organophosphorés ou
carbamates. Pour rappel, les organophosphorés sont des insecticides très
liposolubles qui provoquent une accumulation d'acétylcholine par inhibition
irréversible de l'acétylcholinestérase. Les carbamates agissent de la même
façon mais l'inhibition est dans ce cas réversible.
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Selon la proportion de l'intrication des différents syndrômes cités, on
retrouvera une partie ou la majorité des manifestations cliniques suivantes :
Syndrome muscarinique
· Nausées, vomissements, douleurs abdominales
· Diarrhées, hypersalivation, hypersudation et larmoiement
· Myosis avec troubles de la vision
· Euphorie ou au contraire anxiété
· Bradycardie, hypotension artérielle
· Bronchoconstriction, dyspnée
·
Syndrome nicotinique
· Asthénie, paresthésies, fasciculations, crampes puis paralysie
· Tachycardie et hypertension
· Hyperleucocytose, hyperglycémie et hypokaliémie
·
Atteinte centrale
Stimulation initiale puis dépression du système nerveux central, avec agitation,
céphalées, tremblements, confusion, ataxie, convulsions, somnolence, et enfin coma
convulsif.
- Syndrome sérotoninergique
Ce syndrome correspond à un excès de sérotonine au niveau des neurones
cérébraux.
Pour rappel, l'objectif pharmacologique d'un traitement avec un médicament
antidépresseur est d'augmenter le taux des monoamines telles que la
dopamine, la sérotonine et la noradrénaline au niveau de la transmission
synaptique. Pour réaliser cet effet pharmacologique, chaque type de
substance agit selon un mécanisme propre.
Ainsi, les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) inhibent la
catabolisme de ces amines. Les antidépresseurs imipraminiques inhibent la
recapture post synaptique de la dopamine, sérotonine et noradrénaline. Enfin,
les dernières générations sont des inhibiteurs spécifiques de la recapture de
sérotonine ( SSRI).
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Il est CAPITAL de connaître les circonstances qui précipitent l'apparition
d'un tel syndrome :
· Quelques heures à quelques jours après le début d'un traitement augmentant
l'activité sérotoninergique
· Quand un IMAO-A est administré avec un ISRS, ce qui est formellement contre
indiqué
· Lors d'une administration successive d'un IMAO-A et d'un ISRS, avec un intervalle
libre trop court. L'intervalle libre recommandé est de 2 semaines sauf dans le sens
fluoxétine IMAO-A.
· Lors d'une intoxication aiguë, quelques heures après l'ingestion simultanée d'un
imipraminique ou un IMAO-A et d'un ISRS
La symptomatologie est la suivante :
Forme bénigne :
Nausées, agitation, agressivité, paresthésies.
L'évolution est favorable en quelques heures après l'arrêt de l'ISRS.
Forme grave :
· Agitation, confusion, hypomanie
· Tremblements, myoclonies
· Hypertonie diffuse avec hyperréflexie ostéotendineuse, puis rigidité musculaire dont les
conséquences peuvent être une difficulté respiratoire, un trismus gênant l'intubation,
une rhabdomyolyse...
· Mydriase (parfois aréactive), sueurs profuses, hyperthermie, frissons
· Augmentation de la pression artérielle, tachycardie, tachypnée.
Pour évoquer un tel diagnostic, il faut premièrement y penser !
Si ces symptômes surviennent après la mise en route récente d'un
traitement avec un SSRI chez un patient sans argument plaidant pour une
pathologie infectieuse ou métabolique, la présomption sera élevée. L'absence
de prise de neuroleptique sera un argument supplémentaire.
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iii. Rechercher les causes cliniques associées
Dans ce contexte d'intoxication, il est capital de rechercher s'il existe des
causes cliniques qui fragilisent l'individu ou favorisent la prise de toxiques.
Ces causes sont multiples. Communément, les situations de crises
psychologiques sont des circonstances qui favorisent la prise de toxique. Les
enfants ou les vieillards sont aussi exposés aux intoxications involontaires.
Il est également important de rechercher les conséquences indirectes de
l'intoxication. Chutes, traumatismes peuvent résulter de l'altération de la
conscience et méritent une prise en charge spécifique et sans délai
simultanément à la prise en charge de l'intoxication.
POINTS-CLEFS :
Systématique dans la prise des paramètres vitaux
Connaître et apprendre à reconnaître les grands syndromes
Attention à l'arbre qui cache la forêt : rechercher les causes et conséquences de l'incident
c) Traitement
i. Traitement symptomatique:
Ce traitement est prioritaire et son but est de pallier sans délai aux
défaillances vitales engendrées par la prise de toxiques. Cette prise en
charge est la prise en charge classique de tout patient en situation critique (
cfr. cours de réanimation cardio-pulmonaire)
POINTS-CLEFS :
En pratique, on adoptera la démarche suivante :
q L'intoxiqué :
a) Est-il conscient ?
b) Respire-t-il ?
c) A-t-il un pouls ?
q Libération des voies aériennes
q Protection cervicale s'il y a eu traumatisme secondaire ou crise d'épilepsie
q Contrôle de la ventilation
q Contrôle des paramètres vitaux
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ii. Épuration des toxiques:
Peu d'intoxications justifient le recours à une méthode visant à augmenter
l'élimination du toxique soit parce que dans la plupart des cas, ces méthodes
n'apportent pas de bénéfice d'un point de vue cinétique ou clinique, soit
parce qu'elles représentent par elle-même un risque supplémentaire pour le
patient.
Toutefois, retenons les éléments suivants :
HEMODIALYSE
Elle reste indiquée dans les intoxications communes suivantes :
· Méthanol, Ethylène glycol
· Lithium
· Aspirine
DIURESE ALCALINE
Le but est d'augmenter l'élimination urinaire des toxiques, soit en augmentant le volume des
urines par augmentation du débit de filtration glomérulaire (effet osmotique), soit en
manipulant le pH urinaire (alcalinisation ou acidification).
Elle reste surtout indiquée dans l'intoxication à l'aspirine.
CHARBON ACTIVE PER OS
Cette poudre noire insoluble, sans odeur ni saveur, est obtenue par pyrolyse de substrats
organiques et lavée à l'acide pour éviter tout relargage de produits toxiques. L'activation
par un courant gazeux oxydant à haute température permet d'obtenir un fin réseau de
pores, ce qui augmente la surface spécifique de 1000 à 3500 mètres carré/g et multiplie par
2 à 3 son pouvoir d'adsorption.
Il possède les propriétés suivantes:
· Adsorption de toxiques dans la lumière intestinale : formation de complexes inactifs
charbon-toxiques, rupture du cycle entéro-hépatique pour certains toxiques et leur
métabolites
· " Dialyse intestinale " de certains toxiques, par liaison aux molécules diffusant du
sang vers la lumière intestinale, lors d'une administration du charbon à doses
répétées
ð diminution de la résorption intestinale et une accélération de l'élimination des toxiques.
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L'administration de charbon activé est succeptible d'augmenter l'élimination
du toxique si :
· Celui-ci est carbo-absorbable.
· Si le toxique à une demi-vie d'élimination prolongée avec un cycle entérohépatique.
· Si administré pendant la phase de distribution du toxique.
Dose : dose initiale de 50 à 100 gr puis 25 g toutes les deux heures.
Il est indiqué dans les intoxications communes suivantes :
· Théophylline
· Phénobarbital
· Carbamazépine
· Dapsone
· Quinine
Il est contre-indiqué dans les situations suivantes :
· Ingestion de produits caustiques (inefficacité et modification des données endoscopiques)
· Toxiques entraînant des vomissements (risque d'inhalation bronchique)
· Intoxications nécessitant un traitement antidotique par voie orale :
Neutralisation l'antidote (N-acétylcystéine dans l'intoxication par paracétamol par exemple)
Il est important de savoir que les substances suivantes ne sont pas
absorbées par le charbon activé : cyanures, alcools et métaux ( lithium).
POINTS-CLEFS :
Peu d'intoxications justifient une épuration
Connaître surtout les indications et contre-indications du charbon activé
iii. Décontamination digestive:
La décontamination digestive a été pendant de nombreuses années un
traitement appliqué systématiquement dans les intoxications. Les méthodes
employés étaient soit l'administration d'un sirop émétisant ( sirop d'ipéca),
soit le lavage gastrique, soit l'irrigation intestinale. L'évolution des
connaissances a amené les différentes autorités toxicologiques a restreindre
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fortement les indications réelles de telles approches. Actuellement, on peut
retenir les éléments suivants:
SIROP D'IPECA
Sirop brun-clair préparé à partir d'extrait fluide d'ipécacuanha, contenant des alcaloïdes
(émétine et céphaeline) trés peu résorbés dans le tube digestif, ayant une action émétisante
d'origine centrale et gastro-intestinale.
Dans nos contrées, il n'existe plus d'indication validée pour l'administration
de cette méthode. Elle reste utile dans des pays où les habitations sont très éloignées
des structures médicales et sert aux proches du patient de première mesure de
décontamination en attendant le transport.
Il faut connaître les contre-indications absolues à son utilisation:
· Ingestion de produits caustiques, de produits moussants et de dérivés du
pétrole.
· Ingestion d'objets par les enfants (piles, etc…).
· Ingestion de toxiques pouvant entraîner des troubles de la conscience,
des convulsions.
LAVAGE GASTRIQUE
Sa principale indication reste :
L'ingestion depuis moins d'une heure d'une quantité de toxique susceptible
d'engager le pronostic vital.
Les contre-indications sont :
· Ingestion de produits moussants, de produits caustiques et de dérivés
du pétrole
· Troubles de la conscience : le patient doit alors être intubé !
· Antécédents de chirurgie gastrique (présence de cicatrices
abdominales)
· Varices oesophagiennes, ulcère gastrique évolutif (si connus).
Il faut retenir qu'aucun lavage gastrique n'a jamais empêché un patient en crise de
récidiver. Certains sont tentés d'appliquer cette méthode invasive afin de dissuader le
patient de récidiver. Cette approche ne trouve nullment sa place dans le chef de notre
mission et de notre vocation médicale !
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POINTS-CLEFS :
Sirop d'Ipeca : pas d'indication
Lavage gastrique : dans l'heure, si ingestion massive de toxique majeur.
iv. Les antidotes:
Leurs mécanismes d'actions sont multiples et variés. Ainsi, certains
antidotes agissent sur la cinétique du toxique. Ces antidotes diminuent la
biodisponibilité des toxiques, modifie la distribution cellulaire du toxique
dans l'organisme, accélèrent l'élimination du toxique, diminue l'effet d'un
métabolite toxique ou à l'inverse accélèrent la transformation du toxique en
un métabolite inactif. D'autres antidotes agissent sur l'aspect dynamique du
toxique. Ils déplacent le toxique de son récepteur, ils court-circuitent la
liaison toxique-récepteur ou corrigent les effets périphériques du toxique.
Les principaux toxiques utilisés en urgence sont :
INTOXICATIONS PAR ANTIDOTE
Anti-vitamines K PPSB
Anti-dépresseurs tricycliques Lactate molaire de sodium
Benzodiazépine Flumazénil
Carbamates Atropine
Chloroquine Diazépam / Adrénaline
Méthanol-Ethylène glycol Ethanol / 4-methyl-pyrazole
Héparine Sulfate de protamine
Insuline Glucose / Glucagon
Méthémoglobinisants Bleu de méthylène / acide ascorbique
Opiacés Naloxone
Organophosphorés Atropine / Pralidoxime
Monoxyde de Carbone Oxygène
Paracétamol N-acétylcystéine
POINTS-CLEFS :
Il est important de connaître les principaux antidotes et leurs indications car ils peuvent
transformer radicalement le pronostic des certaines intoxications.
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III. Quelques intoxications à ne pas méconnaître !
INTOXICATION AU MONOXYDE DE CARBONE ( CO)
Généralités
Le monoxyde de carbone est un gaz qui résulte de la combustion incomplète
du carbone. Sa densité est proche de celle de l'air ce qui lui permet de se
répandre facilement dans l'espace. Il est insidieux car incolore, inodore,
insipide mais toxique.
Ce gaz est produit par toutes circonstances aboutissant à la combustion
incomplète du carbone par manque d'oxygène.
C + 1/2 O2 = CO
CO + 1/2 O2 = CO2
Communément à domicile, les sources de production sont un chauffe-eau ou
un poêle dont l'installation n'est pas réglementaire ou lorsqu'il existe un
défaut d'entretien ou de ventilation. Les incendies sont aussi des causes
communes de dégagement de CO ( à noter que dans les incendies , la victime
inhale souvent d'autres vapeurs toxiques telles que les l'acide cyanhydrique,
les dérivés soufrés qui ont une toxicité propre). Les autres circonstances
sont soit professionnelles ( gardiens de parking mal ventilés, utilisation de
décapant à base de dichlorométhane) soit volontaires ( inhalation de gaz
d'échappement à visée suicidaire).
Mécanisme d'action
Les conséquences de la fixation du CO sur l'hémoglobine ( altère le rôle
fondamental de celle-ci dans le transport d'oxygène ) mis aussi sur certains
organes cibles tels que le cerveau ou le myocarde expliquent sa toxicité.
CO et hémoglobine
Dès son inhalation, le CO traverse rapidement la membrane alvéolocapillaire
et se fixe sur l'hémoglobine. L'hémoglobine affiche une affinité 230 fois
plus importante pour le CO que pour l'oxygène. La résultante de ce couple
infernal est la formation d'une combinaison stable mais réversible : la
carboxyhémoglobine ( HbO2 + CO = HbCO + O2). Ainsi, en diminuant la
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capacité du sang à transporter de l'oxygène, la formation de
carboxyhémoglobine favorise l'anoxie tissulaire. Dans cette situation, en
présence de l'HbCO, il se produit un déplacement vers la gauche de la courbe
de dissociation de l'oxyhémoglobine qui va rendre encore plus difficile la
libération d'oxygène vers les tissus.
CO et autres organes
Dans une certaine proportion, le CO se fixe sur d'autres sites ( myocarde,
cerveau ). Dans ce contexte, son rôle toxique résulte d'une diminution du
transport d'oxygène mais aussi d'une action cellulaire directe.
Elimination du CO
Elle se fait dans l'air expiré si le sujet est retiré de l'atmosphère toxique.
La demi-vie spontanée à l'air libre est en moyenne de 4 heures. On peut
raccourcir ce délai d'élimination en faisant respirer à la victime un gaz dont
la pression partielle en oxygène est majorée. Ainsi, en faisant respirer de
l'oxygène pur normobare, la demi-vie est de 90 minutes. Enfin, cette demivie
peut être raccourcie encore si on soumet le patient à une atmosphère
hyperbare, sa demi-vie passe alors à 20 minutes.
Clinique
Les symptômes de l'intoxication au CO sont trompeurs et la clinique est
banale , parmi les symptômes retenons par ordre de gravité :
- Céphalées, vertiges
- Nausées, vomissements
- Confusion, agitation, perte de connaissance
- Modifications ECG, ischémie myocardique, collapsus
- Coma agité ou calme, avec réflexes ostéo-tendineux souvent vifs.
Malgré l'intoxication, le patient garde un teint rosé et il n'y a pas de cyanose
évidente.
Diagnostic
En plus du contexte évocateur, il faudra pratiquer un dosage sanguin artériel
de l'HbCO . Une HBCO > 5 % chez le non-fumeur ou à > 10 % chez le fumeur
permet de confirmer le diagnostic. Toutefois, il faut retenir que la gravité
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de l'intoxication au CO ne dépend pas uniquement du taux mais surtout des
symptômes constatés.
Traitement
· Soustraction du risque
· Si le diagnostic est évident, oxygène pur dès les lieux de
l'intoxication.
· Oxygénothérapie hyperbare à discuter au cas par cas.
· Quelques indications sont formelles : grossesse ( l'affinité de
l'hémoglobine foetale est encore plus importante pour le Co), coma,
perte de connaissance brève, intolérance cardiaque.
· Il existe pour les intoxications graves des risques de séquelles
neurologiques pour lesquels des travaux récents ont évoqués l'effet
bénéfique de séances d'oxygénation hyperbare séquentielles.
POINTS-CLEFS :
Intoxication fréquente mais insidieuse.
Clinique trompeuse
Traitement :
- éviction du risque
- Oxygène pur
- Caisson hyperbare si femmes enceintes, coma ou notion de perte de connaissance,
intolérance cardiaque .
INTOXICATION AUX BENZODIAZEPINES
Généralités
L'intoxication aux benzodiazépines est quotidiennement rencontrée par les
services d'urgences. La plupart des cas résulte d'intoxications volontaires.
Souvent, la prise n'est pas unique et les patients associent souvent de
l'alcool ou des médicaments antidépresseurs à leur prise de benzodiazépines.
Cette intoxication est heureusement souvent de bon pronostic. On ne meurt
pas des conséquences directes de l'intoxication mais plutôt de ses
complications ( broncho-inhalation suite altération conscience, chute).
L'adjonction d'alcool majore les effets neurologiques.
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Clinique
Initialement, on note des troubles du comportement, de la somnolence, une
phonation plus lente, une ébriété. Si l'intoxication est importante, on va
noter une dépression du centre respiratoire et du système nerveux central
pouvant aller jusqu'au coma.
Diagnostic
L'anamnèse ou l'hétéroanamnèse oriente très souvent vers la prise de
benzodiazépine.
Une détection sanguine confirmera le diagnostic.
Traitement
On surveillera essentiellement le patient mis en position latérale de sécurité
d'un point de vue respiratoire car dans cette intoxication , il y a peu de
répercussion hémodynamique.
Le traitement est essentiellement symptomatique. Il n' y a pas de place pour
le lavage gastrique dans cette intoxication.
Il existe un antidote le Flumazénil ( Anexate ® ) qui s'administre en
injection intraveineuse lente par palier de 0.1 mg par minute jusqu'à 0.5 mg.
La dose nécessaire pour réveiller l'individu est supérieure à celle qui met la
victime à l'abri des complications respiratoires. La durée d'action est très
courte, de l'ordre de 20 à 30 secondes, il existe donc une rechute des
symptômes dès l'arrêt de l'application de cet antidote. Si la victime a pris
plusieurs classes de médicaments, l'administration de l'antidote peut
prédisposer à des crises convulsives ( arrêt de l'action anti-convulsivante des
benzodiazépines).
L'indication de l'antidote est limitée et consiste à la réalisation d'un test
diagnostique.
POINTS-CLEFS :
Fréquent +++
On ne meurt pas de l'intoxication mais de ses complications.
Traitement symptomatique
Antidote = test diagnostique
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INTOXICATION ALCOOLIQUE
Généralités
Quotidiennement, des patients présentant une imprégnation éthylique sont
pris en charge dans les services d’urgences. L’éthanol déprime le système
nerveux central et est métabolisé par l’alcool déshydrogénase. Selon
l’importance de l’imprégnation, les symptômes sont variables et polymorphes.
Clinique
Les symptômes sont nombreux : haleine éthylique, ataxie, dysarthrie,
dépression sensorielle, propos incohérents, levée des inhibitions et
nystagmus.
Un coma et une dépression respiratoire surviennent lors de prise massive
d’alcool. Le danger réside alors également dans les conséquences de cette
intoxication broncho-inhalation, traumatisme.
Le diagnostic est confirmé par la détermination quantitative du taux
d’éthanol sanguin.
Traitement
Le traitement est essentiellement symptomatique ( fonctions vitales ).
Si le patient doit être perfusé , il est important d’administrer en cas
d’alcoolisme chronique de la thiamine ( Vitamine B1 : 100 mg) pour prévenir un
syndrome de Wernicke.
La surveillance consistera en une surveillance respiratoire et neurologique.
On procédera à un suivi de la glycémie dans les intoxications sérieuses car
l’éthanol inhibe la gluconéogenèse.
POINTS-CLEFS :
Fréquent +++
CAVE pour les complications.
Traitement symptomatique
LES INTOXICATIONS
Thys 2003 20
INTOXICATION AU PARACETAMOL
Généralités
L’intoxication volontaire au paracétamol est surtout fréquente dans les pays
anglo-saxons mais régulièrement ce type d’intoxication est rencontrée dans
nos contrées. Cette intoxication peut présenter des conséquences
gravissimes. Il est donc capital de bien l’identifier afin d’optimaliser sa prise
en charge thérapeutique.
Mécanisme d'action
La toxicité du paracétamol réside dans sa métabolisation en un métabolite
hautement toxique la N-acétyl-p-benzoquinonéimine ( NAPQI). Ce
métabolite se fixe de manière covalente avec les groupes sulfhydriles des
protéines cellulaire, augmente les concentrations de calcium à l’intérieur du
cytosol et entraîne ainsi des lésions cellulaires et une cytolyse.
Dose thérapeutique
Aux doses admises, la métabolisation du paracétamol se fait essentiellement
par une conjugaison et une sulfatation. Les petites quantités de NAPQI
formées sont inactivée par le glutation.
LES INTOXICATIONS
Thys 2003 21
Dose toxique
A doses supérieures, les voies de conjugaison et de sulfatation sont
débordées et la production de NAPQI augmente et les réserves de
glutathion deviennent insuffisantes pour inactiver la quantité de métabolite
formé. La toxicité est essentiellement hépatique.
Clinique
La toxicité est présente surtout pour des doses supérieures à 125 mg/kg ou
dose totale supérieure à 8 grammes.
Dans l’intoxication aiguë, on observe la séquence suivante :
- Les troubles digestifs ( essentiellement des vomissements) sont
d’apparition retardées ( 12 à 24 heures).
- Les signes de cytolyse hépatique sont présents dès la deuxième heure
et maximaux vers le 3ème ou le 4ème jour. Il est à noter que on peut
noter une hépatalgie à la 24ème heure.
- L’évolution se fait vers l’ hépatite cytolytique ( les enzymes hépatiques
atteignent des valeurs considérables) et l’insuffisance hépatoLES
INTOXICATIONS
Thys 2003 22
cellulaire majeure avec encéphalopathie, troubles de la coagulation,
hypoglycémie et coma hépatique.
- On peut observer également ( mais moins fréquemment) une nécrose
tubulaire aiguë et une insuffisance rénale.
Certaines situations potentialisent cette toxicité hépatique à savoir
l’alcoolisme chronique (induction cytochrome P450,malnutrition), la
dénutrition, l’anorexie mentale ( réduction des réserves hépatiques en
glutathion ), la prise d’isoniazide ou de rifampicine ( accélération de la
fabrication de NAPQI).
Diagnostic
Le taux de paracétamolémie est capital dans l’évaluation de la gravité.
Celui-ci peut être reporté sur un diagramme ( diagramme de Prescott).
La paracétamolémie réalisée à partir de la 4ème heure permet d'évaluer,
connaissant l'heure de l'ingestion, le risque d'hépatotoxicité avant
l'apparition des signes cliniques.
Si l'heure d'ingestion n'est pas connue, deux dosages à 4 heures d'intervalle
permettent d'apprécier la demi-vie.
LES INTOXICATIONS
Thys 2003 23
Une biologie courante permettra d’évaluer la fonction hépatique (
transaminases, coagulation, glycémie) et la fonction rénale.
Traitement
Le lavage gastrique est à discuter au cas par cas.
L’intérêt clinique du charbon activé est non démontré et peut compliquer
l’administration de l’antidote par voie orale.
Le traitement par l’antidote revêt ici toute son importance.
L’antidote est la N-acétylcystéine ( NAC) qui s’avère être un précurseur du
glutathion.
Son mécanisme d’action repose essentiellement sur la reconstitution des
réserves intracellulaires en gluthation mais elle agirait également comme
correcteur des lésions oxydatives causées par le NAPQI. La NAC serait
également une source de sulfate inorganique permettant la reconstitution
des réserves de sulfate ( sulfatation).
Dans notre pays, la plupart des cas sont traités par voie intraveineuse , ce
qui semble la meilleure approche théorique et pratique.
Voie Protocole
Durée du
traitement
Dose totale
(mg/kg)
140 mg/kg
Orale puis 70 mg/kg toutes les 4 h 72 h 1300
150 mg/kg dans 250 ml de G5% en 15 à 30
min
IV
puis 50 mg/kg dans 500 ml de G5% en 4 h et
100 mg/kg dans 1 l de G5% en 16 h 20 h15 min 300
Dans notre expérience, on réserve le traitement oral pour les patients
allergiques au solvant intraveineux du NAC.
En cas d’insuffisance hépatique majeure, il faut envisager le recours à la
transplantation hépatique.
POINTS-CLEFS :
Intoxication grave si méconnue.
Importance de la paracétamolémie
Antidote : N-acétylcystéine
LES INTOXICATIONS
Thys 2003 24
INTOXICATION AU METHANOL
Généralités
Cet alcool est un liquide incolore, volatil et facilement inflammable.
L’intoxication est rare mais souvent peut-être collective ou concerne des
individus démunis ou sans scrupules qui l’utilise comme substitut de l’alcool.
Une méthanolémie supérieure à 0,25 g/l est toxique et la dose minimale
mortelle est de 1g/kg ( 1 gr = 1,2 ml). Les risques principaux sont une acidose
métabolique, une toxicité au niveau du système nerveux central et au niveau
de la rétine et enfin le coma.
Mécanisme d’action
Le méthanol par lui-même est peu dangereux. Les effets toxiques sont dus
aux métabolites. Le méthanol est transformé au niveau du foie en acide
formique.
Cet acide formique s’accumule rapidement car notre organisme présente de
faibles réserves en folates qui régule son métabolisme.
L’oeil et les noyaux gris centraux sont les principales cibles de ce toxique.
Clinique
Les signes cliniques sont tardifs ( 12 à 24 heures) et consistent en :
- Troubles digestifs ( nausées, vomissements)
- Troubles oculaires caractéristiques à savoir précocement une vision
floue qui précède les signes objectivables de toxicité oculaire :
LES INTOXICATIONS
Thys 2003 25
mydriase dont la réactivité pupillaire est faible ou nulle à la lumière,
hyperhémie et oedème pupillaire.
- Troubles neurologiques pouvant aller jusqu’au coma convulsif.
- Troubles respiratoires : hyperventilation liée à l’acidose métabolique
qui s’installe progressivement.
Diagnostic
Hormis la détermination quantitative du taux de méthanol, la biologie est
caractéristique avec une acidose métabolique significative avec trou
anionique et osmolaire majoré.
Traitement
L’hospitalisation doit se faire dans un centre disposant d’un service
d’hémodialyse.
Le lavage gastrique doit être précoce
Alcalinisation pour correction rapide de l’acidose
De nouveau, le traitement par antidote est d’une importance capitale :
Ethanol :
L’acide formique étant produit de façon continue, si l’on veut éviter que
l’acidose résiste l’administration de bicarbonate, il faut interférer avec la
métabolisation du méthanol.
Lorsque l’on administre de l’éthanol dans ce contexte, il rentre en
compétition avec le méthanol pour l’alcool déshydrogénase et donc entrave la
production acide formique et sa toxicité. Il peut être administré dans la
même optique dans d’autres intoxications (éthylène-glycol).
4-méthyl-pyrazole ( Fomépizole® ) :
Il se comporte comme un inhibiteur compétitif de l'oxydation de l'éthanol et
d'autres alcools (méthanol), ainsi que des glycols (éthylène-glycol), par
l'alcool déshydrogénase (ADH).
Ces propriétés inhibitrices permettent de traiter les intoxications par
l'éthylène glycol et le méthanol. Ce traitement apparait plus simple et mieux
toléré et devrait être préféré chaque fois que possible par rapport à
l'administration d’éthanol.
LES INTOXICATIONS
Thys 2003 26
Folinate de calcium
Son efficacité est discutée mais l'acide folinique favorise le métabolisme
des formates, responsables de la toxicité oculaire.
L’hémodialyse est indiquée dans les circonstances suivantes :
· Troubles visuels présents
· Acidose métabolique sévère
· Méthanolémie supérieure à 600 mg/l
· Ingestion de plus de 4O mL
POINTS-CLEFS :
Intoxication rare mais gravissime.
Bien rechercher si atteinte occulaire
Connaître les indications de l’hémodyalise
Connaître les antidotes
LES INTOXICATIONS
Thys 2003 27
INTOXICATION AUX CHAMPIGNONS
Généralités
L'intoxication aux champignons est rare. Elle représente 0.5 % des appels au
centre antipoison. Elle est souvent collective et est plus fréquemment
rencontrée entre le mois d'août et le mois d'octobre. Heureusement, dans la
grande majorité des cas ( 90% ), celles-ci sont bénignes. Les intoxications
graves voire mortelles sont imputables à une méprise, à la consommation
d'amanite phalloïde ( champignon des bois) et lorsque la prise en charge
médicale est tardive.
Un grand principe
Les symptômes survenant précocement après la prise de champignons (
DANS LES 6 HEURES) témoignent d'une intoxication bénigne !
Des symptômes apparaissant avec un délai supérieur à 6 heures signent une
intoxication grave potentiellement mortelle !
Gastro-entérite et champignons
Des symptômes évocateurs d'une gastro-entérite peuvent survenir
précocement ( < 6ème heure) après la prise de champignons.
Ces symptômes peuvent dépendre de la nature même du champignons ( ainsi
l'Entolome livide est pourvoyeur de ce type de symptôme) mais peut aussi
témoigner d'une sensibilité individuelle ( certains individus ont un déficit en
tréhalase rendant la digestion des champignons contenant ce sucre plus
difficile, réaction allergique ou idiosynchrasique).
Parfois, les symptômes ne sont pas en relation avec les champignons mais
avec leur préparation ( sauces). Les champignons doivent être consommés
frais et lavés. Une cuisson adéquate inhibe l'hémolysine thermolabile des
champignons.
Intoxications bénignes
Les symptômes de ces intoxications surviennent après une incubation courte
et le lien avec la consommation de champignons est aisé à faire.
LES INTOXICATIONS
Thys 2003 28
Les symptômes peuvent être de plusieurs types:
- Troubles digestifs
- Troubles vasomoteurs ( type réaction "antabuse") : consommation
concomitante de Coprin ( coprine) et de boissons alcoolisées
- Troubles neurovégétatifs : syndrome cholinergique sur muscarine.
- Troubles du système nerveux central : certains champignons
contenant de l'acide iboténique engendrent des étourdissements, une
incoordination, une ataxie, des hallucinations et une hyperkinésie.
- Troubles mimant la prise de drogues récréatives : les champignons
contenant de la psylocybine sont hallucinogènes .
Intoxications graves
Celles-ci ont une incubation plus longue ( > 6ème heure après l'ingestion).
Cortinaire ( => engendre un syndrome orellanien)
Ce champignon est retrouvée dans la vallée de la Meuse et de Dinant. Il
contient de l'Orellanine responsable des effets toxiques.
Après l'ingestion , des symptômes digestifs qui peuvent passer inaperçus
sont possibles. Il existe ensuite un intervalle libre et le patient dévelloppe
dans un délai de 1 à 3 semaines une insuffisance rénale aiguë découverte
suite aux symptômes qu'elle engendre ( asthénie, oligurie, céphalée, HTA,
etc…). Une évolution vers une insuffisance rénale chronique est fréquente.
La prise en charge consiste surtout dans la prise en charge de l'insuffisance
rénale.
"Fausses Morilles" ( Gyromitre => syndrome gyromytrien )
La gyromitre est un champignon qui pousse au printemps, dans les forêts de
conifères, en terrain siliceux, c'est pourquoi on le retrouve essentiellement
en Ardennes et à l'est de notre pays.
L'atteinte est essentiellement cérébrale et hépatique. La gyromitrine est
hydrolysée en méthylhydrazine qui antagonise l'action de la vitamine B6 (
pyridoxine) au niveau de nombreuses réactions où la Vitamine B6 est
cofacteur. On note ainsi une diminution du GABA intracérébral ( diminution
synthèse par manque de pyridoxine) qui engendre de la confusion, de
l'agitation et des crises convulsives. Au niveau hépatique, l'atteinte résulte
LES INTOXICATIONS
Thys 2003 29
de la formation intracellulaire de radicaux libres. La prise en charge est
symptomatique au niveau des troubles engendrés associée à l'administration
intraveineuse de vitamine B6 à la dose de 1 à 2 grammes par jour.
Amanite Phalloïde ( => syndrome phalloïdien)
Cette intoxication est redoutable et est due à l'amanite phalloïde,
champignon des bois, retrouvé essentiellement de août à octobre. Ce
champignon est un champignon à lamelles et à spores blanches, avec une volve
et un anneau. Ces éléments sont importants pour son identification. Il est
responsable après une période de latence d'une gastro-entérite aiguë suivie
d'une hépatite cytolytique gravissime et d'une insuffisance rénale aiguë. A
noter que l'amanitine a disparu du sang après 6 heures mais est retrouvée
dans les urines et le liquide gastrique.
L'évolution naturelle est la suivante :
- Phase de latence ( 12 à 24 heures et plus)
- Symptômes muscariniques
- Céphalées
- Hépatalgie ( signe de Gauthier: ébranlement douloureux)
- Ictère
- Insuffisance hépatique sévère ( hépatite fulminante)
- Oligurie, IRA, hypoglycémie
- Décès en insuffisance hépatique.
Le traitement consiste en :
- poser le diagnostic
- hospitalisation dans un centre de transplantation hépatique
- épuration digestive
- épuration rénale s'il échet.
- Mesures antagonistes telles que :
o Penicilline G 500000 à 1 MU/kg/24 h
o Ercefuryl per os
o Silibinine 20 à 50 mg/kg/24h
LES INTOXICATIONS
Thys 2003 30
POINTS-CLEFS :
Symptômes précoces = BENIN et Symptômes tardifs = GRAVE
Importance de l'identification du champignon et des mesures de prévention
Toute ingestion de champignon à lamelles avec une volve et un anneau est suspecte jusqu'à
preuve du contraire et ne peut être banalisée !
INTOXICATIONS ET PLANTES
Généralités
Ces intoxications ne sont pas rares et touchent souvent la petite enfance.
Elles tendent à augmenter en fréquence avec l'augmentation des produits
naturels dans notre sociétés. Elles sont souvent peu identifiées comme
dangereuses par la population ainsi peu de citoyens savent que l'eau d'un vase
de fleurs contient de nombreux métabolites complexes dont certains
peuvent engendrer une intoxication sérieuse !
Exemples
· Parmi les plantes retrouvées fréquemment dans les habitations, le
dieffenbachia et le philodendron sont responsables en cas d'ingestion de
la feuille d'un oedème localisé au niveau de la bouche avec douleur et
sialorrhée. Un oedème de la langue, pharynx ou du larynx est possible. Il
n'y a pas d'atteinte systémique car ces symptômes sont la résultante de
cristaux d'oxalates de calcium présents dans les feuilles et qui sont
responsables de ces symptômes. Le traitement est symptomatique ( froid,
antalgiques, anti-histaminiques, corticoides)
· Plantes cardiotoxiques :
· La digitale, le laurier rose et le muguet ont des principes actifs
"digitale-like"
· L'If comporte des baies rouges très toxiques et qui attirent le regard
des enfants ( une seule baie peut être mortelle pour un enfant!).
Celles-ci contiennent de la taxine qui est alcaloïde responsable
d'irritation gastro-intestinale mais surtout d'une diminution de la
conduction au niveau du noeud AV entraînant une bradycardie critique.
LES INTOXICATIONS
Thys 2003 31
POINTS-CLEFS :
Ces intoxications existent et certaines méritent d'être connues selon la région dans laquelle
on exerce.
INTOXICATIONS ET PRODUITS MENAGERS
Généralités
Ces intoxications sont fréquentes ( 32 % des appels au centre antipoison),
accidentelles ( 98 %) et concernent pour la moitié des cas des enfants.
Elles peuvent être le fait d'une ingestion par méprise, d'un contact, d'une
inhalation ou d'une projection oculaire.
Dans la plupart des situations, l'entourage ou la personne contacte le centre
antipoison qui dans la moitié des cas conseille un avis médical et une
hospitalisation est nécessaire dans environ 7 % des cas. Plus de la moitié de
ces intoxications ne nécessitent donc pas d'avis médical et sont bénignes.
Les produits ménagers contiennent des produits toxiques, des produits
moussants, irritants ou caustiques. Il est important de pouvoir rapidement
les identifier.
LES INTOXICATIONS
Thys 2003 32
Les produits caustiques
Ce sont les produits de lavage ( lave-vaisselle), les déboucheurs de
canalisation, les nettoyants pour fours etc..
On distingue les produits alcalins et acides :
Les alcalins ( pH > 11.5)
La gravité va dépendre de la quantité ingérée, de la concentration du produit,
de la durée d'exposition et du type d'alcalin.
L'histoire naturelle est la suivante :
LES INTOXICATIONS
Thys 2003 33
Les acides ( pH < 2.5)
L'histoire naturelle est la suivante :
Grands principes de prise en charge des caustiques
Etablir la gravité
Outre les signes cliniques mineurs et oropharyngés, il faut rechercher les
signes de gravité qui sont les suivants :
· Régurgitations ou vomissements ( hémorragiques ?)
· Défense ou contracture abdominale
· Choc hypovolémique
· Agitation
· Détresse respiratoire
Etablir le bilan paraclinique
Biologie : recherche d'une acidose métabolique, d'une hémolyse ou d'une
CIVD.
Radiologie ( CT) : recherche pneumopéritoine, pneumomédiastion, lésions
pulmonaires
LES INTOXICATIONS
Thys 2003 34
Gastroscopie : stadification ( de Quincy, Morgon, Di Constanzo)
Fibroscopie ORL et Bronchique selon clinique.
La prise en charge se fait dans des structures spécialisées.
Les produits pétroliers
Retenons comme risques principaux :
- Symptômes neurologiques : coma, convulsions
- Risque de pneumopathie chimique ( fausse route) ou d'oedème
pulmonaire lésionnel.
- Effets cardiaques, hépatiques ou rénal dans certains cas tels que les
exemples suivants :
LES INTOXICATIONS
Thys 2003 35
POINTS-CLEFS :
Identification du produit nécessitant un avis médical et une hospitalisation
IV. CONCLUSION
Les intoxications sont variées et les décrire toutes dans le cadre de ce cours
n'a pas de sens. Chaque clinicien en fonction de sa pratique doit affiner sa
connaissance dans ce domaine. Une prise en charge systématique est
souhaitable pour identifier les situations à risque.
Le centre antipoison est un partenaire important en pratique courante.
Le centre de référence de toxicologie clinique des Cliniques universitaires
Saint-Luc est toujours présent pour ces prises en charge spécifiques.
Pour information : Coordinateur Pr Hantson 02/764.32.20 ou service des urgences.
Remarque
Tout avis ou suggestion concernant ces notes de cours peuvent être adressées à :
thys@rean.ucl.ac.be.


31/05/2010
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