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GENOCIDE HUTU DU BURUNDI 1972

Des Burundais, surtout de la diaspora, se sont regroupés en un collectif des survivants et victimes de ce qu’ils qualifient de génocide des Hutu de 1972. Objectif : recouvrer leur dignité et demander justice pour les leurs.
Le Dr Amédée Nkeshimana au mémorial du génocide arménien à Montréal, le seul endroit sur la terre où est mentionné le génocide des Hutu au Burundi ©Iwacu

Le Dr Amédée Nkeshimana au mémorial du génocide arménien à Montréal, le seul endroit sur la terre où est mentionné le génocide des Hutu au Burundi ©Iwacu

« Nous sommes « Le Collectif des Survivants et Victimes du Génocide des Hutu avant et après 1972. Nous ne parlons que de ce qui nous concerne personnellement et qui nous a touché dans nos tripes », annonce d’emblée Dr Amédée Nkeshimana. Eminent ophtalmologue à Charleroi, en Belgique, cet orphelin de 1972 est le coordinateur de ce collectif pour l’Europe. « Le génocide des Hutu, premier génocide de la sous-région, fut planifié par l’Etat et les victimes furent spoliées. Nous exigeons la poursuite des bourreaux et des planificateurs. » « Sortir nos parents de cette indignité, c’est nous laver personnellement de cette indignité d’être un Mumenja, car les enfants de Bamenja le sont également et il en sera de même de leurs petits-enfants. Je ne connais pas un Tutsi qui ait été frappé d’une telle indignité. »

A propos des Tutsi, le Dr Amédée Nkeshimana indique qu’en 1972, ils n’ont jamais été inquiétés de leur sort tout comme ils n’ont jamais été personnellement dérangés : « Je ne vais pas exprimer la douleur des Tutsi à leur place, d’autant plus que le président Micombero, autoproclamé leader et protecteur des Tutsi, victimes, d’après lui, du génocide, a organisé la répression. Il a spolié des milliers de familles de Bamenja et a indemnisé toutes les familles victimes. »

Justice pour les Bamenja

Plus de quatre décennies plus tard, poursuit-il, les fils des Bamenja se démènent toujours pour faire connaître et reconnaître leurs souffrances. « Mon père gît quelque part dans une fosse commune, s’il n’a pas été dévoré par des fauves. Micombero, son gouvernement et son parti Uprona ont affirmé avoir réservé une sépulture digne aux victimes tutsi », dit-il. Le collectif prévoit ainsi de porter plainte contre leurs bourreaux devant les juridictions internationales ou devant celles des pays dont ils sont citoyens. Car la justice burundaise n’a jamais voulu s’en occuper. « Il faut que les gens se désolidarisent des coupables. Nous n’avons rien contre les Tutsi, nous voulons seulement la justice… Ma vengeance est le seul fait d’être survivant, 40 ans plus tard, et d’en parler, ce que les bourreaux n’ont jamais prévu », précise Dr Amédée Nkeshimana.

Faire reconnaître le génocide des Hutus de 1972…

Le collectif veut organiser une campagne mondiale « Briser le silence ». Il collecte des témoignages vécus un peu partout dans le pays. Pour Dr Nkeshimana, les écrits des experts contiennent souvent des témoignages mensongers des bourreaux. Il déclare que beaucoup de personnes ont relaté au collectif des histoires toutes aussi horribles, survenues dans toutes les régions de notre pays.

En mai 2014, poursuit-il, a été organisée, à Montréal au Canada, la 1ère conférence internationale de la diaspora hutu. « Il s’y trouve un monument du génocide arménien, une pierre sur laquelle figurent les victimes des différents génocides, dont les Hutu du Burundi. » Avant d’ajouter que le collectif a lui aussi le projet de construire un monument des victimes hutu au Burundi, dont l’inauguration est prévue en 2022, pour le 50ème anniversaire du génocide des Hutu de 1972. En mai 2015, ajoute-t-il, nous comptons nous rendre à New York pour demander que l’ONU reconnaisse officiellement le génocide des Hutu de 1972. Normalement, indique Dr Nkeshimana, c’est le pays qui le propose, mais comme c’est lui qui a préparé ce génocide, nous sommes en train de rassembler les 5.000 signatures exigées pour une telle action.

« Les Hutu ne sont pas les seules victimes… »

« Les objectifs de l’association sont égocentriques. Eux seuls sont les victimes, les autres non ! », indique Aloys Batungwanayo, président de l’Association pour la Mémoire et la Protection de l’Humanité contre les Crimes Internationaux (AMEPCI Gira Ubuntu). C’est une colère compréhensive, explique-t-il, vu que l’Etat a été très actif en 1972, et qu’il a traité les rescapés de renégats, Abamenja. Pourtant, conseille-t-il, il faut les amener à discuter avec les autres qui ont également souffert.

L’AMEPCI, indique M. Batungwnayo, met au centre les victimes sans les identifier à leur ethnie. « Je demanderais à ce collectif de comprendre la notion de victime et d’accepter l’histoire du Burundi et sa réalité, ils comprendront ainsi que les victimes ne sont pas seulement des Hutu, même en 1972. »



16/02/2016
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